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« Pour une fois, tous les ouvriers des Chantiers avaient été conviés à la cérémonie du lancement du Queen Mary 2 »

Laurence, décoratrice aux Chantiers de l’Atlantique
« La période où j’arrive sur les bateaux est celle de la finition, après que les métallos ont assemblé les blocs de tôles dans les hangars et les ont amenés avec les portiques géants pour les souder les uns aux autres comme un jeu de construction colossal. J’interviens pendant le dernier quart de la construction. […] Pendant plusieurs mois, j’assiste ainsi à sa lente transformation, jusqu’au moment où survient une dernière accélération où tout se met en place. Et ce qui était un pur assemblage de tôles brutes devient un lieu de vie confortable, séduisant, parfois somptueux.  »

Une lutte de tous les instants pour maintenir le meilleur service

Sébastien, agent de circulation à la SNCF
« En plus de gérer la circulation des trains sur les voies, je suis amené à vendre des billets, accueillir les usagers et même faire l’entretien des bâtiments […]. À force de rogner sur les effectifs, on n’arrive plus à entretenir correctement les voies, les incidents se multiplient, les retards s’accumulent, on ne peut plus renseigner ni vendre correctement si l’usager n’a pas internet. Qui est gagnant ? »

Trouver un terrain d’entente

Émilien, entrepreneur en rénovation immobilière
« Un matin, un sous-traitant me fait savoir qu’il veut arrêter son activité, alors qu’on a plusieurs chantiers en cours. C’est un couvreur, une spécialité très difficile à trouver. Comment faire ? Il ressort des discussions que nous avons avec lui, qu’il veut changer, partir dans un autre secteur d’activité : « J’en ai marre d’être dans le froid je n’en peux plus. J’ai 47 ans, je veux faire autre chose. »

Un médecin entre La Baule et St-Nazaire : « Je ne suis pas là pour juger »

Gwénaelle, médecin urgentiste, SOS médecins
« En général, les ouvriers de Saint-Nazaire sont assez fiers de travailler dans des entreprises qui construisent des paquebots et des avions connus dans le monde entier. […] Ayant conscience de leur « savoir faire », ils se sentent légitimes dans leur domaine. Du coup, ils reconnaissent aussi ma légitimité et on entre dans un dialogue d’égal à égal en termes de compétences dans les domaines qui sont les nôtres. »

Hébergement solidaire : un bénévolat à plein temps

Enoch, militant associatif
« “ Tel ou tel gamin était un petit gentil. On lui avait dit de ne pas faire de conneries ”. Mais ils y vont quand même, ils tombent dans les addictions, dans des petits trafics, dans les vols minables. Et au bout d’un moment, ils entrent dans des schémas de violence. L’exclusion est un facteur aggravant. C’est le début d’une terrible spirale négative. C’est pour cette raison que l’hébergement et l’accompagnement sont si importants et qu’être inscrit dans un réseau associatif est primordial. »

Quand on est entendu, on peut accepter qu’une réponse soit différée

Virginie, agent d’accueil à la CPAM de Loire-Atlantique
« J’ai été surprise, en arrivant dans ce travail, que les gens se livrent beaucoup à nous sur leur maladie. Ils sortent de chez le médecin, avec un protocole de soins concernant ce que nous appelons une ALD, affection de longue durée. Ils viennent de se prendre leur diagnostic en pleine figure et ils arrivent chez nous pour leur prise en charge à 100%. Je n’ai pas connaissance de la raison pour laquelle ils ont déclaré une ALD, c’est un secret médical. Mais les gens me le disent : “ Je viens d’apprendre aujourd’hui que j’ai un cancer. ”. Nous sommes souvent les premières personnes à le savoir.»

Rechercher un emploi : une contrainte douloureuse et blessante

Pierre, chômeur et militant
« Ils cherchent la faille. Comme si leur seul but était de me déstabiliser. Vers la fin de l’entretien, sentant que tout cela ne débouchera sur rien, je pose la question de la rémunération. Tout juste le SMIC. Tout ça pour ça… Quand je suis entré chez moi j’en ai chialé tellement c’était dur. Je n’ai pas été retenu. Pourtant je voulais travailler, je trouvais que ça avait du sens de faire des choses pour l’endroit où je vivais, de peser sur mon environnement, de travailler chez moi. »

Le maître-mot est bien « solidarité »

Marie, travailleuse sociale dans une communauté Emmaüs
« Au moment où ils entrent, Ils sont découragés, ils se sont heurtés à des refus ou à des incompréhensions. Notre priorité est alors qu’ils prennent soin d’eux. C’est quelque chose dont ils n’ont plus l’habitude. Mon rôle, c’est d’en amener certains à se dire : “ Là, maintenant, ça y est, j’ai le temps, je vais pouvoir me laver régulièrement, laver mes affaires ”. Et je leur pose la question : “ Tu as pris une douche, hier ? ” »

L’urgence, c’est de vivre

Pierre, accompagnant de son épouse malade du cancer
« C’est là que, dans une tache de lumière, nous attend la secrétaire, à l’issue de la consultation d’annonce. Nous nous installons sur nos chaises. Elle a tout préparé et nous accueille avec un vrai sourire sous ses cheveux bouclés. Nous nous rapprochons. On oublie les gens qui passent, l’environnement. Elle reprend tout méthodiquement, sans se presser, et on se laisse porter par son intonation rassurante, déjà presque familière. »

« Je revendique le fait d’avoir eu un cancer »

Christine, patiente ressource
« Bonjour, je m’appelle Christine. Je suis patiente-ressource, c’est-à-dire que j’ai eu un cancer et que j’ai accepté de partager mon expérience. Mais vous pouvez me mettre à la porte…
– Vous avez eu un cancer et vous êtes vivante ?
– Eh bien oui, je suis vivante ! Il faut croire les médecins quand ils vous disent que vous irez mieux dans six mois. Il faut leur faire confiance parce que ça donne de la force. »

Gens simples, patients actifs

Jean-Michel, dermatologue
« Ce que j’apprécie ici, c’est que j’ai affaire à des ouvriers qui ont un métier dont ils sont fiers, à des techniciens conscients de leur savoir-faire. Ce sont des gens très pragmatiques qui ne se comportent pas comme de simples exécutants ; et des patients qui ont un rapport direct avec les choses de la vie. Comme me l’a dit mon prédécesseur : “ Ce sont des gens qui sont francs du collier… ” »

« Je cherche à ce que la fascination que j’éprouve pour ce territoire industrialo-portuaire embarque les visiteurs »

Aurélie, guide à « Saint-Nazaire Renversante »
« Ici, tout est gigantesque. Et, directement immergés dans cet espace hors de proportion, les visiteurs peuvent éprouver concrètement ce rapport entre leur propre taille et l’immense masse qui se dresse devant eux et s’impose soudain à leur regard. Je vois les doigts qui se tendent, les gens qui se parlent, les expressions totalement subjuguées par le navire dont l’assemblage est le plus avancé. Alors, je prends le temps de donner tranquillement toutes les explications. »

Libraire engagée dans la ville

Agathe, libraire indépendante en SCOP

« Je vais donc tous les ans, en mars, présenter trois ou quatre livres par tranche d’âge devant les salariés de la commission famille du CE. Je peux ainsi infuser des choses à ma manière. Par exemple, dans la sélection que je leur présente cette année, j’ai un livre d’une toute petite maison nantaise (« Six citrons acides »). S’ils en achètent vingt ou vingt-cinq pour les enfants des salariés, je trouve que je suis dans mon rôle de passeuse au sein de la ville. »

« Faire ensemble » autre chose que le travail tout en gardant la solidarité qu’on trouve dans le travail

Antoine, régisseur général à la mairie de Saint-Nazaire
« Ce qui compte, à mes yeux, c’est moins le prestige de l’événement, ou sa taille en termes de budget et de fréquentation, que la qualité des gens qui l’organisent. Ils n’ont parfois aucune idée de la technicité de ce qu’ils demandent, de l’ampleur des moyens qu’il faudra mobiliser. Mais ils ont la passion. Ils ont des rêves, des idées. Et j’aime les aider à s’approcher au plus près de l’idée qu’ils s’en faisaient au départ. »

À Saint-Nazaire, un lycée qui ne ressemble pas à un lycée

Mickael, membre de l’équipe éducative du Lycée Expérimental
« En cas de difficulté d’apprentissage scolaire, la sanction est la confrontation avec ses propres lacunes. Ça peut être très violent. La fuite et le déni sont faciles. La réponse de la communauté éducative est alors l’attention portée à l’autre, le respect des rythmes de chacun. Il est arrivé qu’un élève ne s’occupe que de la cafétéria pendant plusieurs semaines. Mais il a fallu qu’il consente à en parler dans son groupe de suivi. »

Itinéraires d’un attineur

Yvan, magasinier aux Chantiers de l’Atlantique
« J’entends le bruit des masses, les chocs de tôles, les alarmes des portiques et leur klaxon qui signale le moment où ils lèvent la charge, le vacarme des véhicules, munis d’un bras articulé, qui transportent le matériel. On appelle ça des « traînes ». Les tôles placées sur le chariot claquent à chaque cahot. Et puis, il y a le gaz du fil fourré, en fusion avec la céramique qui sert à envelopper la soudure au fur et à mesure qu’elle avance. C’est âcre, ça prend à la gorge. »