Rechercher un emploi : une contrainte douloureuse et blessante
Pierre, chômeur et militant
« À l’époque où je cherchais un emploi, Pôle-emploi m’avait appris qu’il fallait que mes notes de candidatures soient toujours les plus personnalisées possible. Chaque jour, donc, après une phase de recherches, j’écrivais une lettre de motivation dans laquelle j’expliquais en quelques mots à quel point je connaissais bien l’entreprise visée et en quoi mon profil correspondait tellement à ce qu’elle recherchait… Ça me prenait la matinée entière et souvent le début de l’après-midi. Ensuite il fallait traiter les réponses quand il y en avait, préparer les entretiens et se déplacer pour rencontrer mes éventuels futurs employeurs. Je ne sais pas si on peut considérer ça comme un travail même si, pour rechercher un emploi, il y a effectivement quelque chose à faire, un projet à élaborer. Je subissais plutôt cette activité comme une contrainte douloureuse et blessante qui concentre tout ce que le travail peut avoir de violent.
Je me souviens par exemple du jour où j’ai été convoqué par la mairie de Trignac, la commune où je résidais alors, pour un emploi d’animateur. Je me suis présenté devant la commission de recrutement après avoir franchi une première phase de sélection. Nous n’étions plus que deux candidats. On nous fait patienter. Ma concurrente est une jeune femme avec qui je sympathise. Nous sommes dans la même galère. Mais, plus réaliste, elle me rappelle rapidement qu’un seul de nous deux va s’en sortir. Arrive l’audition : en face de moi, des gens m’observent sans ménagement et me harcèlent de questions. Ils cherchent la faille. Comme si leur seul but était de me déstabiliser. Vers la fin de l’entretien, sentant que tout cela ne débouchera sur rien, je pose la question de la rémunération. Tout juste le SMIC. Tout ça pour ça… Quand je suis entré chez moi j’en ai chialé tellement c’était dur. Je n’ai pas été retenu. Pourtant je voulais travailler, je trouvais que ça avait du sens de faire des choses pour l’endroit où je vivais, de peser sur mon environnement, de travailler chez moi.
[…]
Je suis particulièrement choqué par cette espèce de foire à l’embauche qui se déroule au début de chaque saison touristique. On appelle ça des « salons de l’emploi ». Des cohortes de chômeurs défilent devant des employeurs qui les jaugent. Je trouve ça assez dégradant. Il y a quelques années, un de ces salons s’est même tenu dans la galerie marchande d’une grande surface… Mais les demandeurs d’emploi ne sont pas une marchandise ! Parmi ceux qui viennent là pour décrocher un job, beaucoup font abstraction de ces circonstances à moins qu’ils n’en aient tout simplement intériorisé la violence symbolique : “ C’est comme ça, il faut passer par là… ” Pourtant, à force d’être intériorisée, il ne faut pas s’étonner que cette violence ressurgisse décuplée de la part de ceux qui, l’ayant trop subie, finissent par se révolter… »
Lire la totalité du récit de Pierre
sur le site de la Compagnie Pourquoi se lever le matin !