« Je revendique le fait d’avoir eu un cancer »
Christine, patiente ressource
« Tous les quinze jours, le mercredi matin, je me présente au bureau des infirmières, à l’hôpital de jour de la clinique mutualiste de Saint-Nazaire. Là, je demande si des patients qui ont du mal à vivre leur parcours ont besoin de parler. Je suis à leur disposition, ce jour-là, entre 10 heures et 15 heures. Je ne suis pas soignante, je ne suis pas non plus psychologue ni assistante sociale ni diététicienne. En fait, je n’ai pas de statut défini. Je fais bien comprendre aux infirmières que je ne viens pas prendre leur place ni critiquer leur travail. Je m’appuie simplement sur mon vécu d’ancienne malade du cancer et sur une formation de 40 heures. Cela ne me donne pas d’autre expertise que celle de savoir écouter les patients à partir de mon expérience de la maladie et de répondre avec des mots simples à leurs questions, s’ils s’en posent. Je me souviens en effet qu’au début de mon traitement, je ne me sentais pas vraiment malade mais que, du jour au lendemain, j’avais basculé du “ tout blanc ” au “ tout noir ” … Il n’y avait eu aucune transition : je n’avais traversé aucune nuance de gris. Cela avait été assez violent. D’avoir vécu ça me met sur un pied d’égalité avec les malades.
[…]
Parfois, il faut protéger le patient de son propre entourage. Un jour, l’infirmière me dit : “ Allez donc voir Monsieur Untel, je crois qu’il en a besoin. ” Sa femme était présente quand je suis arrivée dans la chambre. Je me suis présentée et ai demandé au monsieur s’il désirait qu’on s’entretienne. “ Non, non, tout va bien, je suis très bien entouré. ” Mais ce qu’il disait était en contradiction avec ce que je voyais dans son regard. Il fallait que j’arrive à trouver ce qu’il voulait me dire. Quand le plateau-repas est arrivé, il n’a pas eu le temps de faire un geste. Sa femme s’est précipitée pour lui couper sa viande et lui approcher ses couverts. J’ai compris à son expression qu’il supportait mal cette dépendance. Il m’a fallu déployer des trésors de diplomatie pour faire comprendre à sa femme, en évoquant mon propre vécu, qu’il y avait un problème :
“ Oh là là, si vous saviez… Je ne pouvais pas faire un pas, j’avais toujours du monde avec moi ! ”
[…]
La femme m’a regardée et j’ai rajouté :
“ Je suis sûre que quelquefois il va bien et que vous ne voulez pas le croire.
– Mais il ne peut pas aller bien…
– Mais si, il peut être bien. Je suis persuadée qu’il y a des moments où il voudrait se débrouiller tout seul et qu’il n’ose pas vous le dire. ”
J’ai revu ce patient quinze jours plus tard, toujours avec sa femme. Le plateau-repas est arrivé, elle ne s’est pas déplacée. Petit à petit, elle a compris que son mari avait besoin d’avoir un minimum d’indépendance, et qu’elle-même n’était pas qu’une garde-malade. »
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