L’urgence, c’est de vivre

Pierre, accompagnant de son épouse malade du cancer

« Le cabinet de Madame S., médecin radiothérapeute, semble étroit. Serrés sur nos chaises, entre le mur et le bord de son bureau, sous une grande fenêtre qui donne sur une cour intérieure, nous lui faisons face. Elle dit les choses posément, le regard droit : “ C’est une maladie grave. Ce sera long… ”. On sent une volonté de ne rien cacher, de ne rien minimiser. Elle prend son temps. Comme une façon de venir à notre rencontre, elle n’essaie pas d’esquiver l’émotion qu’elle sent monter en nous. Tandis que les larmes commencent à glisser sur le visage de mon épouse, elle fait silence sans baisser le regard. Au bout d’un long moment, nous reprenons notre respiration. Il y a des choses à faire : chimiothérapie et radiothérapie combinées. “ Ce sera un traitement curatif ”. L’objectif est d’éliminer la tumeur. Donc, il faut se battre ! Les explications se font précises. Derrière elle, sur une étagère : un masque de radiothérapie. Elle nous le montre : c’est un masque en plastique thermoformable qui prendra la forme du visage et du crâne et qui garantira la précision des irradiations. On le touche, le soupèse. Croquis à l’appui, on se projette dans le temps : les grandes lignes du calendrier sont tracées. Ne reste plus qu’à fixer les dates avec la secrétaire. Voilà. On va attaquer.
La radiothérapeute esquisse un sourire : “ Ce sera difficile. Mais je ne ferai aucune concession à la tumeur ”. On la croit.
[…]

Au fil des séances, je pense que j’ai épuisé la lecture des magazines entassés en vrac dans le porte-revues de la salle d’attente de radiothérapie. Je choisis, à chaque fois que c’est possible, la chaise la plus proche de cette provision de rêves sur papier glacé. J’ai feuilleté et re-feuilleté en particulier une publication d’architectes où l’on peut voir des maisons incroyables dans des paysages sublimes. Toujours, le photographe s’est arrangé pour ménager une échappée vers un ciel pur ou un plan d’eau. Mais tout est vide. Ce n’est qu’un décor inhabité, une illusion…

Les patients qui entrent dans la cabine de déshabillage ou qui en sortent me ramènent à la réalité. Près de moi, mon épouse sort un livre de son sac bleu : c’est un ouvrage de Pierre Desproges qu’elle n’a pas oublié d’amener à mon intention. Parmi les citations, il y en a une qui nous fait rire : “ Le cancer, je ne l’ai pas et je ne l’aurai jamais. Je suis contre ! ”.

La porte s’ouvre, un manipulateur appelle mon épouse. Elle le reconnaît : c’est celui qui fredonne des airs pendant la mise en place sur la table de radiothérapie. Quelquefois, au début de la séance, sa collègue s’excuse :
“ Il chante tout le temps… J’espère que ça ne vous dérange pas…
– Au contraire ! Surtout, laissez-le chanter… C’est bien ”. »

🔗 Lire la totalité du récit de Pierre
sur le site de la Compagnie Pourquoi se lever le matin !

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