Retour de résidence avec Emma Marsantes
Emma Marsantes était de retour à Saint-Nazaire les 20 et 22 juin.
Vendredi soir au café Chez la Bretonne, une rencontre avec lectures d’extraits de ses deux romans publiés, Une Mère éphémère et Les fous sont des joueurs de flûte ainsi que de son troisième en cours d’écriture.
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Dans la matinée du dimanche 22, sur la place du marché, hors les murs comme on dit souvent, en réalité sur le trottoir avec des tables, des chaises, des photographies et un parasol pour les installer à la vue des passants
Emma Marsantes s’est mise à la disposition des personnes qui ont accepté d’écrire en regardant une photo qu’il ou elle avait choisi pour envisager une suite.
Comment se créer une bulle d’écrire, s’y installer, laisser venir le niveau de concentration qui permet l’écriture, puis que faire d’un texte écrit, le jeter, le conserver, le prolonger et que dit il de celui ou celle qui a écrit.
Ce fut une matinée passionnante…
Vous trouverez ci-dessous, quatre textes écrits ce dimanche matin et chaque fois la photo choisie pour inspiration.

Deux yeux dans la nuit
Deux phares qui arrivent de face
Je ne peux que les regarder
Les attendre
Les craindre
Apportent-ils une bonne nouvelle
Feutrés
Entourés d’un halo de douceur
Pourtant la tension règne
L’inquiétude occupe la totalité de
l’espace
Je m’arrête sur toutes ces lignes de vie
Qui jamais ne se croiseront
Je suis obnubilée, hypnotisée,
paralysée
Ma décision est prise
Je vais me jeter sous ces roues
Je me souviens des chiliennes rayées pleine de sel après la plage.
Je me souviens de l’élastique du Jokari qui se cassait.
Je me souviens des pervenches qui bordaient mon chemin vers l’école.
Je me souviens de l’odeur des cigarettes de mon père dans la voiture qui nous emmenait vers les plages des vacances.
Je me souviens de l’odeur de l’ambre solaire qui ne protégeait pas grand-chose.
Je me souviens du poids des pains de glace indispensables à la glacière.
Je me souviens des croûtons de pain creusés, remplis d’huile d’olive et d’une pincée de sel qui restent les meilleurs goûters.
Je me souviens des méduses en plastiques qui nous coupaient les pieds.
Je me souviens de l’odeur des vacances qui entrait par les fenêtres de la voiture au péage d’Avignon.
Je me souviens du skaï qui nous brûlait les cuisses en revenant de la plage.
Je me souviens de cette incroyable insouciance jamais retrouvée .
Je me souviens de l’odeur du canot gonflable et du temps infini pour le gonfler et pire encore pour le ranger .
Je me souviens de moi, assis sur le dos large de mon oncle qui m’emmenait voir les poissons où on avait plus pied.
Je me souviens de tant de choses heureuses.


Bord de mer
Vent violent
Ciel bleu
Océan déchainé
Laver les esprits
Noyer sa tristesse
Oublier le passer
Faire page blanche
Brumisateur
Tranche de bonheur
Les pieds dans la terre
Prendre à nouveau racine
Se reconstruire
Se ressourcer
Accepter cette force
Se relancer
Et bien voilà, mes tantes, toutes réunies, au mariage de mes parents, c’est ma mère qui prend la photo , je ne sais pas qui a découpé la photo, je cherche pas d’ailleurs, mais tout le monde sait qui c’est, c’est le curé, celui qui a marié mes parents, pourquoi qu’on lui a coupé la tête, ben peut être qui pouvait pas lui couper autre chose.
Chaud lapin le curé.
Et bien sûr tout le monde savait, la sacristie c’était pas un placard pour les chasubles et les hosties, non consacrées. Ah sacré y s’en est passé des choses, pas racontable pour la plupart, et avec tous ceux qui y sont passés, l’étalon avait toujours faim, sans fin, que de souffrance… !
Et puis la petite à genou sur la photo, elle a tout balancé, tous les hommes ont été surpris, amusés, mais ils ont rien dit, étouffée l’affaire, déplacé le curé, découpé la photo, pleuré, pleuré et puis après avoir séché, oublié… oublié tout.
Et bien c’est à peu près tout ce qu’on peut dire de cette photo.
