L’estuaire et les torchères
Jérémy, opérateur extérieur sur un site industriel
« Quand je sors de la rocade avant le pont, au niveau des docks, je vois la Loire, le terminal méthanier, les usines, les torchères. Là, j’y suis, j’arrive dans l’environnement que je connais. L’estuaire, le bassin nazairien, c’est là que j’ai grandi. Voir l’eau me fait penser au surf, je suis dans mon élément.
De loin, j’observe les flammes des torchères, ça veut dire que la raffinerie tourne, c’est plutôt bon signe.
Donges, j’y travaille depuis vingt-six ans. Je suis opérateur extérieur, j’assure la surveillance des bacs et des lignes. Pour faire fonctionner la raffinerie, il faut acheminer dans les fours le pétrole brut qui va être chauffé et distillé pour obtenir toute la gamme des hydrocarbures, du gaz au bitume. Mon rôle, c’est d’intervenir sur les réseaux de lignes, d’ouvrir ou de fermer des vannes à la demande du préparateur-console qui supervise les transferts à distance.
[…]
Les problèmes qu’on rencontre ? Des fuites aux brides, par exemple. Les brides, ce sont des jonctions entre les tuyaux. Ces brides peuvent présenter des points faibles, qui laissent échapper du liquide ou du gaz. Quand je détecte une fuite, je préviens. Réparer nécessite parfois de vider une ligne. Là, j’interviens en manœuvrant des vannes. Les anciens purgeaient directement par terre, on ne parlait pas d’environnement. C’était… il y a longtemps. À présent, on doit faire attention… […] On fait au mieux. Je me souviens d’un incident, il y a deux ans. Il y avait une fuite sur un bac. La fuite a été contenue, mais on a récupéré des tonnes d’essence dans la zone de rétention. L’odeur s’est répandue à plusieurs kilomètres, et ça a persisté plus d’une semaine.
[…]
C’est un environnement à risques de toutes natures. Il faut être sur ses gardes en permanence, utiliser nos cinq sens. C’est souvent à l’odeur et au bruit qu’on identifie la nature d’une fuite. C’est paradoxal : je viens de dire que je ne sentais plus l’odeur de la raffinerie. En revanche, celle d’une fuite, si ! Parce qu’elle est plus forte, ou inhabituelle. Parfois, l’odeur ne suffit pas. Une fois, je croyais que c’était de la vapeur d’eau, et c’était de l’acide. Je me suis réveillé avec des plaques rouges sur la peau le lendemain.
[…]
Ce qu’on craint par-dessus tout, c’est l’inflammation non maîtrisée d’une nappe de gaz. Dans le processus de transformation du pétrole, des gaz se dégagent de manière habituelle, et il peut y avoir des surpressions. Si les gaz en surpression s’échappaient à l’air libre, on aurait des nappes incontrôlées, qui pourraient s’enflammer à tout moment. Pour éviter ce phénomène, les gaz sont récupérés à la sortie des soupapes et dirigés vers les torchères, qui sont allumées en permanence. Et on est particulièrement vigilant par rapport à l’électricité statique, ainsi qu’aux orages pendant les chargements et déchargements. Ici, tout le monde se souvient du Princess Irene, un pétrolier qui avait explosé en août 1972, alors qu’il était amarré à quai. La foudre avait frappé pendant une opération de ballastage. »
Lire la totalité du récit de Jérémy
sur le site de la Compagnie Pourquoi se lever le matin !