« Toute une nuit » avec Fabienne Swiatly
Dans le cadre de la résidence d’auteur (De la nuit sur les chaussures) avec Fabienne Swiatly, le CCP et de nombreux partenaires ont organisé une nuit entière (du 26 au 27 janvier 2018) consacrée à l’écriture mais pas que, introduction musicale, projections de vidéos, jeux etc. autour de la thématique du travail en horaires décalés.
Des rendez-vous ont eu lieu toutes les heures paires, entre deux la possibilité d’écrire sa propre relation à la nuit avec des ateliers menés par Fabienne Swiatly. Le programme fut le suivant :
- 20h : Accueil et rencontre-débat avec l’équipe du journal « Travails » animé par Clément Lacan du collectif La Musique de la boulangère.
- 22h : Lecture de Séverine É de la compagnie La cabane.
- Minuit : Thiemann Klaus et sa musique de nuit.
- 2h : Photos de Juan José Marquez Léon – Lecture de Fabienne Swiatly des textes de l’expo Procrastination (365 dessins de Yves Olry) accompagnée par Ronan Courty à la contrebasse et avec brunch.
- 4h : Projection de vidéos réalisées par Luc Babin.
- 6h : Lecture des textes écrits durant la nuit par Séverine É et ceux qui ont encore un peu d’énergie avec petit déjeuner.
- Séverine É, Fabienne Swiatly, Frédérique Manin (de gauche à droite)
- Le journal « Travails »
Témoignage de Fabienne SWIATLY
Je ne sais plus à quel moment a surgi l’idée d’une nuit entière d’écriture. Mais ce dont je me souviens, c’est la réactivité des personnes à qui j’en ai parlé : les salariés et militants du CCP, de Klaus Thieman du Garage qui m’a dit : « Oui ! » A peine avais-je posé la question de l’occupation des lieux.
Alors oui, nous avons organisé des lectures, des projections de vidéos, des accrochages de photos, de dessins, de sculptures. Oui nous avons écouté des créations sonores et du jazz. Oui nous avons occupé les lieux avec ce qui nous semblait raconter cette ville de Saint-Nazaire. Une ville complexe, généreuse, active, porteuse d’une longue histoire et d’un grand désir d’avenir. Sans oublier combien, parfois, elle peut être grise et soucieuse.
Et nous avons écrit ensemble.
Pendant cette nuit, certains n’ont fait que passer, d’autres sont restés deux heures, quatre heures, jusqu’au bout.
Certains ont écouté, certains ont écrit, certains ont bu du café, d’autres ont parfois dormi.
Une nuit ensemble.
Une nuit pour traverser ce temps où souvent l’on dort, sauf ceux qui travaillent en horaires décalés et dont certains sont venus nous rejoindre au matin et que ce fut un moment fort de leur lire ce qui avait été écrit avant et après minuit.
Ceux qui ont participé, étaient parfois visages connus mais d’autres non comme ce jeune du lycée expérimental qui a su nous écrire ce que la nuit représentait à cet âge.
Cette nuit est un cadeau que le CCP m’a fait, que les habitants de Saint-Nazaire m’ont fait, que nous nous sommes faits parce que nous sommes têtus. Depuis toujours nous sommes convaincus que faire ensemble est un magnifique anti-dépresseur et que la culture et l’art nous permettent de penser la complexité du monde.
Une nuit pour se dire que la vie est douce parfois.
Et même si j’habite loin, je me sens maintenant appartenir à cette ville que j’aime profondément.
Pour tout cela merci.
Et vous offrir ce poème que j’ai commencé à écrire, à partir des paroles, des textes, des traces laissées pendant cette nuit.
Je marche et finis toujours du côté des chantiers ou de l’Océan
L’hiver les mouettes remplacent les enfants sur le sable
Tu verras cette ville dans dix ans…
Le béton est un sujet de conversation
Le bois tremble sur la base sous-marine
Les touristes prennent des photos
Je n’ai pas vu de marins mais des ouvriers…
Boulevard des apprentis, des voitures, des vélos, son vélo
Sextant est un mot que j’aime prononcer la nuit
Quand le paquebot quitte le chantier, emporte-t- il la sueur des hommes ?
Hauts les murs des ateliers.
Derrière ça coupe, découpe, ça soude, ça jointe et ça ferraille
Un voilier traverse le bassin, c’est lent
Défaire le ruban bleu, qu’il s’envole loin…
Devant les rideaux baissés du supermarché
Un gars goulotte une bouteille de whisky
Il insulte la vie dans une langue slave
C’est tout ce qu’on saura de lui.
La digue soutient le vent
Cette ville est calme et je m’en étonne
Et quoi maintenant ?
Je reviendrai.

